Nouvelles données sur le logement et la pauvreté à Lévis
Plus de logements sociaux et communautaires sont nécessaires pour protéger les locataires lévisiens contre la crise du logement
Lévis, le 15 janvier 2024 – Alors que la rareté de logements locatifs n’a pas été aussi importante depuis 2010, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), et les membres de la Concertation Logement Lévis (CLL), le GRT Nouvel habitat, Espace Finances, l’AQDRLévis–Rive-Sud et la Corporation de développement communautaire de Lévis ont joint leurs voix pour dévoiler, ce matin en conférence de presse, de nouvelles données sur la situation des ménages locataires de Lévis qui confirment le besoin de logements sociaux et communautaires et d’autres mesures structurantes pour éviter que la situation du logement ne continue de se dégrader. Les organismes ont des attentes élevées à l’égard du plan d’action gouvernemental en habitation, attendu incessamment, et du prochain budget du Québec.
À Lévis, 34% des ménages sont maintenant locataires révèlent les données de Statistiques Canada commandées par le FRAPRU pour son 8ème Dossier noir sur le logement et la pauvreté. Même si l’ensemble des ménages locataires lévisiens a un revenu médian plus élevé que ceux de la Chaudière-Appalaches, 4550 ménages locataires vivent en logement inabordable, consacrant plus de 30% de leur revenu pour se loger avec un revenu médian de 25 600$ par année, 1380 y consacrent plus de 50% du revenu au détriment de leurs autres besoins essentiels, avec un revenu médian de 19 000$. 48% des 3780 ménages locataires de la région Chaudière Appalaches ayant des besoins impérieux de logement selon Statistiques Canada se trouvent d’ailleurs à Lévis, note Véronique Laflamme, la porte parole du FRAPRU. Dans Chaudière-Appalaches, 9755 ménages locataires consacrent plus de la norme de 30% de leurs revenus pour se loger, avec un revenu médian de 23 000 $ et 2930 consacrent plus de 50%, avec un revenu médian de 16 600 $.
Ces données n’étonnent pas les organismes communautaires qui reçoivent tous les jours des appels de locataires désespérés à la recherche de solutions. Malgré la construction récente de logements privés neufs, ceux-ci sont hors de la portée de la bourse des locataires faisant appel à leurs services, constatent-ils. Édith St-Hilaire, directrice générale d’Espace Finances, déplore le manque d’options et l’insuffisance de logements sociaux et communautaires pour les ménages à faibles revenus. « Les gens choisissent par dépit actuellement », témoigne Mélanie Pinault, directrice générale de l’AQDR Lévis-Rive-Sud qui craint de voir l’instabilité résidentielle augmenter. « Les gens prennent une chance de louer un logement inadéquat pour ne pas se retrouver avec rien. Ceux qui sont laissés pour compte dans le développement, ce sont pourtant les ménages à faibles revenus », déplore-t-elle. Érick Plourde de la CDC Lévis insiste sur les conséquences de la crise du logement sur le tissus social : « Le logement est un besoin important qui touche une diversité personnes, il faut des solutions qui répondent aux besoins des communautés et qui permettent aux gens de demeurer dans leurs milieux ».
Les femmes, dont le revenu demeure plus bas que celui des hommes, les locataires âgés de plus de 65 ans ainsi que les personnes seules, sont surreprésentés parmi les locataires ayant un revenu plus faible et consacrant une part disproportionnée de leur revenu pour se loger.
La situation s’est déjà détériorée
Aussi élevés soient-ils, les chiffres du Dossier noir sous-estiment grandement la réalité puisque les données du recensement sont basées sur les revenus de 2020 alors que les prestations d’urgence mises en place par les gouvernements pour soutenir les revenus des ménages aux premiers mois de la pandémie de COVID-19 ont provisoirement dopé les revenus d’un grand nombre de locataires. D’autre part, depuis le recensement, le taux d’inoccupation a chuté à 1% en 2022 alors qu’il était à 3.3% en 2019. Les organismes constatent l’effet de la hausse du coût du loyer, qui se fait déjà durement sentir chez les ménages locataires à faibles et modestes revenus.
Depuis 2020, le coût du loyer moyen à Lévis est passé de 864$ en 2020 à 973$ en 2022 ce qui constitue une augmentation de 109 $ en 2 ans! Les organismes s’attendent malheureusement à ce que le nouveau rapport sur le marché locatif de la SCHL attendu incessamment indique la poursuite voir l’intensification de cette tendance haussière vu la rareté. Les logements disponibles à la location pour leur part sont beaucoup plus dispendieux ce qui rend très ardue la tâche de ménages forcés de déménager, par exemple suite à une éviction ou à une séparation.
Ailleurs dans la région de Chaudière-Appalaches, le taux d’inoccupation est aussi très en dessous du seuil d’équilibre du marché de 3% reconnu par la Société canadienne d’hypothèques et de logement. La pénurie s’étend à toutes les principales villes de Chaudière-Appalaches où le taux d’inoccupation est aussi très en dessous du seuil d’équilibre du marché de 3% reconnu par la Société canadienne d’hypothèques et de logement: 0,6% à Montmagny, 0,8% à Thetford Mines, 0,7% à Saint-Georges, 1% à Sainte-Marie. Le loyer moyen à Sainte-Marie a augmenté de 26% en 3 ans.
Des annonces insuffisantes
Selon les organismes membres de la Concertation Logement Lévis (CLL), le portrait des ménages locataires consacrant une part disproportionnée de leur revenu pour se loger confirme l’importance de développer rapidement des logements sociaux et communautaires avant que la situation ne se détériore davantage. En ce sens, ils saluent l’objectif de 1000 logements sociaux et abordables sur 10 ans annoncé par la ville de Lévis en décembre, en rappelant qu’il faudra s’assurer que ceux-ci soient exclusivement à but non lucratif pour demeurer abordables de façon pérenne. Par ailleurs, pour que 100 nouveaux logements sociaux et communautaires pas déjà planifiés puissent être réellement mis en chantier chaque année, il faudra rapidement un programme gouvernemental adapté qui se suffit à lui-même insistent-ils. « C’est trop long de développer de nouveaux projets sans but lucratif actuellement. Le nouveau Programme d’habitation abordable annoncé il y a plus de 2 ans n’offre pas les conditions dont nous avons besoin. Il faut rapidement le bonifier pour qu’il devienne un programme autoportant » explique Éric Gagnon Poulin, directeur général du GRT Nouvel habitat. Le nouveau programme fonctionne par appel de projets. Aucune unité n’a été annoncée en 2023 à Lévis. Dans tout Chaudière-Appalaches, un projet de 41 logements a été retenu à Saint-Georges. En 2022, dans la première phase du PHAQ, un projet nécessaire de résidence pour aîné.e.s sans but lucratif de 111 unités à Lévis avait été retenu, mais plusieurs mois plus tard, vu l’inadéquation du PHAQ, le montage financier n’est toujours pas complété signale monsieur Gagnon Poulin.
Le FRAPRU abonde dans le même sens que le GRT et plaide lui aussi en faveur de l’urgence de se doter d’un programme de logement social qui fonctionne, le gouvernement du Québec doit impérativement offrir plus de prévisibilité, avec une programmation sur plusieurs années qui sortirait de la logique des annonces budget après budget et qui permettrait de répondre à la diversité des besoins partout dans Chaudière-Appalaches, avant que la situation des locataires ne se détériore davantage. Les organismes sont unanimes : le Plan d’action en habitation de la ministre France-Élaine Duranceau, attendu incessamment, et le prochain budget du Québec doivent contenir des annonces concrètes en ce sens.
Enfin, alors que le gouvernement fédéral doit lui aussi annoncer début 2024 un nouveau plan pour s’attaquer à la crise du logement, les organismes signalent qu’il pourrait contribuer à ce grand chantier nécessaire en réaffectant les milliards $ que sa Stratégie sur le logement consacre à différentes initiatives qui ratent largement la cible au logement social, hors marché privé, afin de permettre d’augmenter significativement la part qu’il occupe sur le parc de logements locatifs.